[FELIX & MAXYM - UA] submarine.

Felix enfile son casque et ferme son blouson. Il est en selle et prêt à partir lorsque Max arrive, perdant son sourire à l'approche du garage à vélos. Felix s'interroge sur la raison de cet énième changement de comportement. Il n'irait pas imaginer que le blond puisse être gêné où mal à l'aise comme il l'est lui-même maintenant que la soirée continuera rien qu'à deux. Felix est le seul enfant des Coalman, il n'a ni frère ni soeur pour venir leur tenir compagnie, pas comme Max qui, paraît-il, fait partie d'une grande famille. Lorsque Graham lui signale que tout est ok pour lui, le plus jeune sait qu'il s'engage dans une situation qu'il aura du mal à gérer et compte sur la charge de travail des ses parents pour ne pas venir compliquer les choses. Il connait sa mère : une pie bavarde, trop curieuse et envahissante quand elle s'y met. Quant à son père, n'en parlons pas. S'il se met à traîter Max comme il traîte son fils, il y a fort à parier pour que Graham décide de foutre le camp avant même d'avoir ouvert un bouquin.

Légèrement angoissé, il passe devant et ouvre la route sans jamais se retourner. Malgré le moment agréable passé en cours à ses cotés, Felix reste frileux dans le fait de regarder son binome. Ce matin, en le voyant rigoler à l'autre bout de la cour, il s'est surpris à le trouver plus beau que la veille et à détailler la façon dont son pantalon remontait ses fesses. Ca l'a fait rougir à nouveau et il a décidé de limiter ces moments où il l'observe en silence, enregistrant les moindre détails de ses attitudes pour essayer de mieux le comprendre et de savoir à quel moment Max est lui-même et à quels autres ils est le clown qu'on attend qu'il soit.

Son quartier est un quartier de banlieue comme on en trouve partout ailleurs en Amérique. Les maisons sont individuelles, toutes entourées d'un jardin à l'arrière et d'une pelouse rase sur le devant au milieu de laquelle une allée donne accès aux marches du péron. Sur le côté, la porte de garage laissée grande ouverte lui permet de savoir que sa mère a ramassé les feuilles mortes qui envahissaient encore le jardin pas plus tard que ce matin, à l'heure de partir au lycée. Il range son vélo sur le raille prévu à cet effet à côté de la voiture de son père et invite Max à l'imiter. Une porte donne accès à la maison, Felix l'ouvre en faisant le moins de bruit possible mais sa mère est une tigresse qui les attend dans le salon, pièce qu'ils sont obligés de traverser pour se rendre à l'étage où se trouve sa chambre. Lorsqu'elle apperçoit Max, Felix sait déjà qu'elle l'adore. Son sourire est éclantant, elle a les yeux qui brillent et s'est faite belle pour l'occasion, vêtue d'une robe à fleur et d'un noeud dans ses cheveux aussi blonds que ceux de Max. Il lui avait pourtant dit de ne pas en faire trop, qu'ils monteraient directement la haut pour réviser. Malheureusement, la notion de " trop " n'est pas la même pour madame Coalman que pour son fils. Chaleureuse, elle accueille Graham à bras ouverts, plante un doux baiser sur la joue et lui tend un plateau de cookies que Felix regarde d'un air scandalisé. Depuis qu'ils ont quitté Miami, jamais plus elle n'a pris le temps de faire des cookies pour lui, alors qu'il adorait ça quand il était petit. C'est sûrement la raison pour laquelle il refuse d'en prendre un et garde le silence tandis que sa mère monopilise Max. Fais comme chez toi, Maxym. J'ai préparé des spaghettis bolognaise pour le diner. Jeremiah ne pourra malheureusement pas se joindre à nous, mais j'espère que tu resteras pour goûter le plat. Ca, ça veut dire qu'elle l'a fait elle-même, avec tout son amour pour l'Italie et qu'elle a désormais besoin que des hommes la félicitent pour la qualité de sa cuisine. Felix se retient de lever les yeux au ciel. Sa mère fait toujours des plats italiens quand elle veut séduire ses invités. C'est tellement bon que tout le monde en reprend.

Profitant d'une pause dans la conversation, Felix balance qu'ils ont une interrogation à préparer et qu'ils montent sans plus attendre. La maîtresse de maison leur souhaite bon courage, sait que son fils est très exigeant lorsqu'il s'agit de révisions et promet de ne pas les déranger avant l'heure du diner. Lorsqu'il lui passe devant, elle laisse trainer sa main dans les cheveux du chaton qui se tortille pour échapper à la caresse, animal sauvage qu'on a trop régulièrement délaissé pour encore mériter le droit de le toucher sans qu'il ne proteste. Felix aime sa mère, ce n'est pas ça le problème, mais peut-être qu'il lui en veut un peu d'être présente pour accueillir le blond alors que lui rentre dans l'indifférence générale tous les soirs de la semaine. Arrivés à l'étage, Felix pousse la porte de son univers et laisse Max pénétrer son sanctuaire. Aux murs, un mélange étrange de posters de ses films préférés - retour vers le futur et jurassic park - de photos de personnages célèvres qu'il admire - Einstein tirant la langue, Neil Armstrong marchant sur la lune - et de pop stars dont les albums s'alignent sur une étagère à côté de ses partition de piano. Dans un coin, son bureau impeccablement rangé croûle sous les livres de cours mais aussi de littérature qui n'ont rien à voir avec le programme scolaire tandis qu'une console nintendo qu'il s'est payé avec son argent de poche trône à côté d'un petit écran de télé. Son lit est fait, la housse de couette est à l'effigie des nombreux héros de comics dont il suit les aventures avec passion lorsqu'il regarde les dessins animés en douce car son père dit que c'est pour les enfants.

Lorsqu'il pose son sac à côté du bureau et s'assied sur son siège, il réalise qu'aucune autre chaise n'est là pour accueillir les fesses de Max. C'est pourquoi il se tourne vers lui en lui désignant le lit. Tu peux t'asseoir dessus si tu veux. Même s'il sait que ça va l'empêcher de dormir une fois qu'il sera allongé là où Graham aura passé une partie de la soirée. Excuse ma mère, elle est un peu ... Un peu quoi ? Felix ne termine pas sa phrase et sort son cahier de chimie. Il a l'impression d'être nu devant Max ; cette chambre, c'est tout ce qu'il est à l'intérieur et qu'il ne montre pas au lycée.

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Il fait attention aux voitures parce qu'à un moment, à trop vouloir fixer Félix, l'une d'entre elle lui klaxonne lorsqu'il dévie un peu trop sur le milieu de la route. Max sursaute et se tourne brutalement vers le conducteur qu'il maudit au fond de sa tête. Heureusement, le chat ne remarque pas que toute cette agitation est causée par un grand gaillard qui peine à se concentrer quand un phénomène comme Coalman se trouve dans un périmètre si proche du sien. Cela le soulage d'être arrivé et c'est dans un calme olympien, une douceur de surface que le blond gare son vélo aux côtés de celui de son camarade. Le regard perdu sur le garage puis sur chaque objet de la maison, Maxym est dans la découverte totale de l'univers de Félix. Il remarque bien vite que l'atmosphère n'est pas la même. Chez lui, sa maison est en constante ébullition, difficile de trouver du calme ou d'avoir la moindre conversation alors que son père est trop souvent saoul, sa mère surexcitée et ses soeurs destructrices. Des boules d'énergie en guise de famille. Ici, il a la sensation de plonger dans un havre de paix et son sourire ne peut que s'agrandir lorsque la mère de Félix vient lui coller la bise. Max est soulagé d'un tel accueil et se détend instinctivement pour lui faire la discussion. Il hésite un instant mais se dit qu'elle pourrait se vexer de l'entendre refuser son invitation et accepte de se joindre à table. Il pourrait rester là à lui faire la discussion encore un moment, lui parler de sa famille, du boulot de ses parents, de ses soeurs et l'école mais le plus jeune coupe rapidement court à cet échange. Un cookie dans la bouche, Max en récupère un autre avant de grimper dans sa chambre. Il ne cherche pas à le contrarier et s'assoit sur son lit.

Sa chambre superbement rangée lui donne la sensation d'appartenir à un adulte si les posters et autres indices ne trahissaient pas sur son âge. Ce qui accroche son attention reste la console, lui a un modèle tellement ancien que trouver des jeux est parfois compliqué, sans compter qu'elle termine toujours par surchauffer et s'éteindre d'elle-même, qu'importe qu'il soit en pleine partie. L'inspection de Maxym s'étire encore un peu. Il a la sensation d'être dans un musée. Le musée Félix Coalman qui lui en apprend un peu plus sur ce spécimen étrange dont il perd parfois l'espoir de le comprendre un jour ou de simplement communiquer avec lui. La bouche entrouverte à fixer ce qui compose les murs, chaque affiche placardée, la voix de Félix le décroche de sa contemplation naïve. Hm ? Sa mère, oh, il fronce les sourcils, enlève son sac à dos pour le poser par terre et commencer à l'ouvrir. Silencieux, Max en sort son cahier, son livre et sa trousse qu'il pose à côté de lui sur le lit. Madame Coalman lui a dit de faire comme chez lui, ce qu'il fait dans l'antre de du chaton. Je la trouve sympa. Il hausse les épaules. J'ai l'habitude avec la mienne. Une artiste excentrique qui ne mâche pas ses mots et abuse de son besoin d'être le centre du monde.

Pour se mettre à l'aise, le blond enlève sa veste et reste dans son marcel blanc qui lui colle à la peau. Il vire aussi ses chaussures pour s'asseoir plus profondément dans le lit et coller son dos au mur. Il feuillette son carnet qui manque cruellement de note et pose sa main contre son front. Je vais rien y comprendre. Max part toujours du principe qu'il est trop bête pour connaître les réponses. C'est souvent à cause de ça d'ailleurs qu'il fuit les cours, joue à l'imbécile par peur de ne pas être à la hauteur. Sans essayer, on ne peut qu'être certain d'échouer sans même s'en vouloir. Pourtant, il commence à lire malgré lui, attendant que Félix se décide pour lui donner une marge de manoeuvre. Sa capacité de concentration est si volatile qu'il redresse déjà les yeux sur ce poster jurassic park qui lui fait de l'oeil depuis qu'il est entré. C'est lequel ton dino préféré ? Les résolutions de ne parler que de la chimie tombent déjà à l'eau en plus de sa bonne volonté qu'il entache par son comportement trop désinvolte. Félix va forcément lui en tenir rigueur. Cela relève du miracle si Max arrive jusqu'au repas.
En attendant il profite de ses provisions de cookies, faisant attention à ne pas mettre des miettes partout ou du chocolat sur sa belle couverture.

Max à l'habitude avec la sienne ? Felix s'imagine une madame Graham aussi bavarde que sa mère et se demande à quoi peuvent bien ressembler les membres de la famille du plus vieux. Est-ce que ses soeurs vont au lycée elles aussi ? Coalman ne les a jamais croisées dans la cour ni dans les couloirs mais il faut bien reconnaître qu'à part Stan et Max, il ne connaît pas grand monde dans cette nouvelle ville et ne s'intéresse pas plus que ça. Prenant ses aises, le chaton enlève sa veste et ouvre son livre à la page de la leçon sur laquelle portera le contrôle. Tableau périodique des éléments. Trop facile, il suffit d'apprendre par coeur. Felix a la chance d'avoir une bonne mémoire, c'est sûrement pour cette raison qu'il est rancunier. Les détails s'impriment dans son cerveau et il faut beaucoup d'efforts pour les en déloger. Ce soir, pourtant, il prend sur lui et accepte de passer l'éponge sur le tableau entaché de sa relation avec Maxym. Enfin, jusqu'à un certain point car, lorsqu'il relève les yeux en l'entendant se dénigrer, son regard s'accroche aux muscles de ses bras découverts et une nouvelle rougeur menace de colorer ses joues. Il détourne alors les yeux vers le poster de Jurassic Park et saute sur l'occasion pour chasser de sa tête les images de son corps à moitié nus dans la piscine. " Le vélociraptor et toi ? " Forcément, Felix admire ce dinosaure si intelligent qu'il est capable de jouer des tours aux humains du film. Tout le monde préfère le T-Rex, grand et fort, comme Max, mais le chat, lui, voit plus de potentiel dans la ruse et la patience de son rival plus petit et plus discret. Un chasseur qui traque et ne se montre qu'au dernier moment, lorsque le temps est venu de tordre le cou à la proie ; pas un géant qu'on entend arriver à cents mètres parce qu’il écrase tout sur son passage.

Le bruit des cookies craquant sous les dents du blond réveille son estomac. Le poids plume n'a pas pris de goûter cet après-midi et le regrette car il a tout le temps faim en ce moment. Le médecin dit que c'est la croissance, qu'il est dans une année charnière où sa masse musculaire se développe et a besoin de carburant pour faire de lui un homme solide. Innocent comme un chat qui s'apprête à faire une bêtise, Felix s'approche l'air de rien - le livre à la main en guise de prétexte - et vient poser ses fesses aux pieds du blond. Ca lui fait bizarre de se dire qu'il y a un garçon sur son lit mais il fait comme si de rien n'était et se penche pour lui piquer un cookie laissé sans surveillance.

" - Bon, alors ... " Les choses sérieuses commencent. " Il faut qu'on connaisse tout le tableau des éléments. " Felix voit bien que Max est rebuté par la quantité d'informations et décide de lui proposer un jeu qu'il aime bien pour apprendre ce genre de choses : " On va essayer de faire des mots avec les noms des différents éléments, regarde : P - I - S - CI - NE. " Son doigt glisse d'une case à l'autre en désignant les lettres qu'il choisit puis il se racle la gorge pour ne pas se laisser déconcentrer par ses souvenirs. " Phosphore - Iode - Soude - Chlore - Néon. Ca en fait déjà cinq de faciles à retenir. Vas-y, fait un mot. " Il aimerait bien avoir l'air moins enthousiaste mais jouer est une activité qu'il adore. D'ailleurs, puisque Max reste pour diner, Felix s'imagine déjà lui proposer une partie de Nintendo en guise de dessert. Enfin, seulement s'ils avancent suffisamment dans leurs révisions. S'il s'y prennent bien, trois sessions devraient suffirent à faire rentrer tous les symboles chimiques dans leur crâne. Pour le moment, c'est les lèvres pleines de chocolat qu'il sourit timidement pour encourager son binôme. Felix sait que Max en est capable, il faut juste qu'il croit un peu plus en lui et essaye au lieu de baisser les bras et de faire le clown pour faire comme si c'était rien de ne pas avoir son diplôme de fin d'année.

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Parler de dinosaures l'aide à se détendre avant de passer aux choses sérieuses. Cela permet à Maxym de prendre la température et remarquer aisément que Félix n'est pas du genre à se laisser déconcentrer. Peut-être même est-il plus sévère encore que Perry. Un soupir traverse ses lèvres. Le vélociraptor, lui aussi aurait répondu ce nom là et quelque part, cela ne l'étonne pas que le plus jeune soit attiré par ces bestioles là que toutes les autres. Bizarrement, cela déçoit Max de ne pas être original et plonge à nouveau son nez dans ses cours. Pareil. Sur un ton neutre pour donner à ce choix quelque chose de moins fantastique et personnel qu'il n'y paraît. Son camarade le rejoint sur le lit, pas de craquement, son matelas est bien plus confortable que le sien dont les lattes n'arrêtent pas de tomber dés qu'il fait un peu trop le con dessus. Sa soeur adore venir sauter dessus parce qu'il rebondit mieux que le sien. Max termine toujours par la mettre dehors en râlant. Lorsqu'il l'entend pleurer de l'autre côté de la porte, le grand ne peut s'empêcher de la laisser revenir et saccager sa chambre. C'est aussi en partie pour cela qu'il a cessé de faire ses devoirs, impossible de se concentrer dans le bruit de leur maison. Mets un gamin dans un centre de loisirs et dis lui de faire des maths alors que d'autres s'éclatent dans un toboggan et tu termineras avec un Maxym incapable de se concentrer plus de trente secondes.

La saveur du cookie en bouche, les yeux bleus du gamin suivent le doigt de Félix qui lui montre un moyen d'apprendre le tableau de manière moins conventionnelle. Tout comme Max qui n'a finalement rien d'habituel dans son existence. Donald et lui viennent de familles agitées et souvent hors circuit qui s'efforcent pourtant d'essayer de les garder dans le monde normal. Dans leur quartier, tout le monde s'accorde à dire qu'ils termineront en délinquant. Dés que quelque se passe, qu'un vol a lieu, on les pointe du doigt ; délit de sale gueule. Les gamins ont sur le dos la réputation de leurs parents. Avant même qu'ils naissent, la plupart des personnes autour d'eux les méprisaient déjà. Ce doit être pour cette raison qu'ils sont si fusionnels à présent. Le mépris des autres rapproche ceux qui en sont victimes.

Piscine. Son index fait le même chemin. Cela lui rappelle des bribes de cours mélangées aux conneries de ses amis. C'est pour ça que Perry raconte toujours : Lili Becta Bien Chez Notre Oncle Ferdinand Nestor pour la ligne 2. Maxym suit à nouveau les lettres du bout des doigts avant de lâcher un rire. Donald le remplace par Li(li) (Bé)se (Bo)coup (C)hez (N)otre (O)ncle (F)erdi(N)and. Il se rend compte que la blague est moins drôle lorsqu'il n'est pas entouré de tous ces gorilles qui lui servent de copains. Le blond sent un moment de malaise teinté de silence et baisse les yeux pour retourner sur le cours. Là, il se concentre à nouveau, oublie toutes tentatives d'humour ou de discussion. Félix le met à mal à l'aise, c'est plus fort que lui ; Max a la sensation d'être le dernier des débiles lorsqu'il lui parle. D'habitude, il a l'art de s'en foutre mais Coalman change la donne. Il ramasse alors les miettes de cookies sur son cahier pour les mettre sur le bout de sa langue, essuyer les traces de pépites de chocolats fondues contre ses lèvres. La soirée risque de s'annoncer longue mais il se sent apte à faire des efforts pour au moins retenir quelques bases Avoir plus de 0 ferait déjà plaisir à Perry.

L'adolescent redresse le menton. Piscine. Phosphore, Iode, Soude ... Il fronce les sourcils, s'efforce de ne pas regarder ce qu'il a sous les yeux. Chlore et Néon. Allez, c'est déjà un début, il y croit. De l'autre côté des murs de la chambre, les bruits de pas de sa mère se font entendre. Une musique en fond, ils peuvent l'écouter chantonner tandis qu'elle semble déjà préparer la table pour tous les trois. Finalement, l'ambiance de la maison l'apaise, calme ses nerfs trop souvent à vif et surexcité.

Maxym répète et se souvient même de l'astuce de la prof pour retenir toute la deuxième ligne d'un coup. Felix s'apprête à le féliciter pour cet ajout pertinent lorsque le blond lui sort la poésie de Donald qui casse le plus jeune en plein élan. Ce que dit Donald ne l'amuse pas, encore moins quand il s'agit de prétendre que Lili fait des trucs sous le nez de son oncle. Incapable de rire à la blague qu'il trouve de mauvais goût, il se contente de sourire ; sa manière à lui d'être poli avec Max là où il ne se serait pas gêné pour se montrer dédaigneux si c'était le rouquin en personne qui la lui avait sortie. Heureusement, Max n'insiste pas et revient à la chimie plus conventionnelle. Les connotations sexuelles dans une chambre d'ado qui se cherche ne sont de toute évidence pas le chemin le plus sûr pour tenir une conversation dénuée de tension. Soulagé, Felix se déride un peu, même s'il a l'air ailleurs lorsqu'il regarde son acolyte se lécher les lèvres pour faire disparaître le chocolat. Inconsciemment, lui aussi passe la langue sur les siennes, tel un lézard qui se verrait bien goûter cette bouche qui le déconcentre.

Ce n'est que lorsqu'il réalise ce à quoi il est en train de penser qu'il ouvre de grands yeux surpris et braque son regard sur le bouquin pour sauver les apparences. A côté de lui, Max récite les éléments mais Felix est incapable de l'écouter. Dans son trouble, il a l'impression de voir des mots lui sauter au visage depuis les colonnes du tableau. Pris d'un coup de chaud, il s'imagine jouer aux rebus et demander à Max ce que donnerait la combinaison du Calcium, Lithium, et de l'Azote. Il remarque aussi que certains éléments ont été mis dans le tableau uniquement pour le blond, comme le Béryllium mélangé à ll'Or. Soudain, la musique leur parvient du rez de chaussée. Retour brutal à la réalité. Mais à quoi est-ce qu'il pense, bon sang ?! Se passant une main sur le visage, Felix se lève et prétexte devoir aller aux toilettes pour quitter la chambre.

La porte à peine fermée, il s'adosse au battant et souffle un bon coup tout en tâchant de se reprendre. Ses sourcils se haussent, il passe une main dans ses cheveux et avance sans conviction jusqu'à la salle de bain de l'étage pour se mettre de l'eau sur le visage. Il se trouve nul de réagir comme ça tout en sachant qu'il n'a pas d'autres choix que de prendre sur lui et est en train de se rafraîchir lorsque sa mère toque à la porte, inquiète. Ca va mon chaton ? Tu n'as rien mangé en rentrant. C'est ta joue qui te fait mal ? Sa joue, il l'avait presque oubliée tiens. Felix lève les yeux vers le miroir qui se trouve au dessus du lavabo. La tâche jadis violette commence à virer au bleu vert, preuve que tout rentre dans l'ordre. Tel un enfant, il ouvre enfin la porte et vient chercher un câlin dans les bras réconfortants d'une mère qui, tout aussi envahissante qu'elle puisse être, restera à jamais un refuge sûr au sein duquel relâcher la pression. La tête entre ses seins, il la laisse enfin caresser ses cheveux et respire son odeur pour se donner du courage.

- Maxym à l'air très gentil. C'est un beau garçon, tu ne trouves pas ? Felix recule soudainement la tête, encore entouré par les bras féminins. Commence pas ! Il ne voit pas qu'elle lui tend une perche, que malgré son absence récurrente en semaine, elle voit bien que quelque chose ne tourne pas rond depuis quelque temps. Agacé, le félin se dégage et tourne les talons pour revenir dans la chambre, des froncements plein les sourcils et la gorge nouée. Dans sa hargne, il referme le livre que Max tient toujours sur les genoux et attrape les manettes de la console de jeu. Maintenant on joue ! Rien de tel que d'exploser des tortues à Super Mario pour évacuer la contrariété. Enfermé dans son malêtre, Felix ne se rend même plus compte qu'il devient autoritaire. Pour ce fils unique, il est très perturbant d'apprécier et de détester quelqu'un en même temps. Max doit avoir l'habitude quand il se dispute avec ses soeurs mais, pour le chaton, ce mélange de sentiments est totalement contradictoire, illogique. Il ne comprend pas comment il peut aimer être assis dans le même lit que lui, coude à coude tandis que le jeu commence, tout en détestant l'influence que Graham a sur ses humeurs. D'habitude il est doué pour rester calme et nonchalant. Pourquoi devient-il à moitié hystérique lorsque le blond est à proximité ? Pis, sa seule évocation dans une discussion banale suffit à le faire vivement réagir.

En réalité, ce qui chiffonne Felix Coalman c'est qu'il lui est impossible de rester indifférent à son binôme. Sa peau est brûlante, ses gestes sont brusques et sa respiration est plus courte, alors que la partie vient à peine de commencer. Espérons que Graham soit doué pour les jeux de coopération car leurs personnages doivent désormais s'unir pour sauver la princesse ...

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Il a encore raté une chance de se la fermer. Heureusement, Max a l'habitude et ne s'en offusque plus. Lorsque Félix quitte la pièce et l'abandonne au milieu de son univers, le plus vieux analyse chaque objet, caresse du bout des doigts sa couverture et son oreiller avant de ramener ses mains sur son cahier pour éviter de se faire prendre une nouvelle fois en flagrant délit. Sa tête est un brouillon qui se renforce lorsque le garçon revient dans sa chambre décidé à laisser tomber le cours pour jouer à la console. Max se retrouve un peu con, aurait envie de lui dire qu'il est pas là pour ça mais il a la sensation que quelque chose contrarie déjà Coalman alors il ne lutte pas. Au pire c'est pas si grave que ça une mauvaise note ... sans compter que le jeu lui fait de l'oeil depuis qu'il est entré dans la pièce. Comme à son habitude, Félix dans sa bulle ne tente pas de faire la conversation et se concentre sur le jeu alors que le blond fait de même. Il apprend tout seul les commandes, se débrouille pas trop mal pour une première fois même si le chat est bien doué que lui et qu'il manque de les faire perdre à plusieurs reprises. Félix râle un peu par moment mais se contient de l'engueuler. Max est habitué à ce genre de comportements avec ses soeurs mais aussi ses cousins et cousines plus jeunes que lui qui se prennent trop souvent pour des rois. Il a bien des défauts mais sa patience est la qualité dont tout le monde use.

Au bout de deux parties, Maxym lâche sa manette et se laisse tomber vers l'arrière dans le lit. Ses mains sous sa tête,  il fixe le plafond et les étoiles phosphorescents collées. Dehors, la nuit est déjà tombée et sa mère doit se demander à quelle heure il va revenir même s'il lui a dit qu'il rentrerait probablement tard. Lassé des jeux comme il se lasse toujours trop vite de ce qui est matériel, l'adolescent fouille dans la poche de son jean pour en sortir un paquet de clopes avec une seule cigarette à l'intérieur. Donald l'a volé à son père et lui a fait promettre d'essayer ensemble dans les toilettes de l'école mais il se sent soudainement pressé de partager un secret avec Félix et la lui tend. T'as déjà fumé ? Il fait mine de savoir alors qu'il n'est pas plus expérimenté sur ce terrain là. Le roux et lui devaient essayer depuis des mois mais aucun n'a jamais trouvé le bon moment pour en voler une à leurs parents. Il se doute que son ami risque de lui en vouloir d'essayer sans lui mais Max fera mine de l'avoir perdu. L'adolescent se redresse, porte ce regard insolent et magnétique qu'il se trimballe si souvent à l'école. Il a l'allure des garçons dont les filles tombent amoureuses, cette confiance en lui qui le pousse à fermer la porte de la chambre à clé et ouvrir la fenêtre en grand pour cracher la fumée dehors et l'empêcher de s'incruster dans la pièce.

Bah viens approche, je vais pas te bouffer. Sa main lui fait signe de venir alors qu'il fait craquer le briquet pour allumer la cigarette. La fumée l'hypnotise tandis qu'il tend au chat la clope pour lui faire essayer le premier. Pour bien y arriver, tu inspires un bon coup et ensuite tu recraches. Genre ... Sa main se pose sur le torse de Félix. Oh ! Il mime d'inspirer brutalement en faisant une mine effrayée. Maman arrive ... Expiration. Encore une technique Donald lui a appris mais il se retient de le dire cette fois. Derrière ses airs d'ange, Max reste malgré lui le gamin à la mauvaise influence.

Si la première partie l'irrite encore un peu plus parce qu'il remarque que Graham et lui peinent à se synchroniser sur leur action commune ; la deuxième, elle, calme Felix qui se met à ressentir la joie de partager un jeu vidéo avec un camarade. En vrai, s'ils ont mal commencé le jeu, c'est avant tout parce que le plus jeune a trop l'habitude de se débrouiller seul. La compagnie, c'est pas quelque chose de banal pour lui. Max est le premier copain qu'il ramène dans sa chambre pour ce genre de soirée à cheval entre les révisions et l'amusement. Même s'il est tendu, au fur et à mesure que leurs personnages trouvent leur rythme, le chaton ne peut nier que c'est quand même plus cool de jouer avec Graham que de le faire seul. Il est un peu frustré lorsque Max lâche sa manette et range la sienne à contre coeur. Malgré tout, son humeur est bien meilleur, comme s'il était un poisson rouge ayant fait le tour de son bocal et déjà oublié le propos de sa mère ainsi que les farces lexicale cachées dans le tableau des éléments.

Resté en position assise, Felix observe la silhouette de Max allongée tout en s'efforçant de ne pas s'attarder sur son ventre légèrement découvert. Il n'a pas à faire trop d'efforts pour s'en désintéresser car le blond sort un paquet de cigarettes de sa poche et l'interroge concernant son expérience en la matière. Felix cille, intimidé par son attitude de bad boy qui se lève pour fermer la porte à clé avant d'ouvrir la fenêtre. Tout ce qu'il sait répondre c'est un signe de tête négatif tandis que son regard accompagne le moindre de ses mouvements. Sûr que Max, lui, a déjà fumé. Du moins c'est ce que laisse sous-entendre son assurance à toute épreuve lorsqu'il lui dit d'approcher. Pour une fois qu'il n'a pas le monopole du savoir, le chaton se sent vulnérable mais aussi curieux et peut-être un peu bravache. Il entend à nouveau sa mère lui parler du physique du blond et se sent soudainement beaucoup plus téméraire. Comme lors du jeu de la bouteille, il y a cette volonté un peu puérile en lui de ne pas se dégonfler. C'est pourquoi il s'exécute dans un silence propice aux secrets et aux bêtises que l'on fait dans le dos des parents. Au passage, il éteint la lumière pour être certain qu'on ne les voit pas à la fenêtre alors que le quartier est rempli de maisons similaires depuis les fenêtres desquelles il serait facile de les griller.

Dans l'obscurité qui les entoure et le silence de la nuit tout juste tombée, Felix n'a aucun mal à comprendre ce dont Max veut parler. Pas besoin de s'imaginer que sa mère débarque, la main posée sur son torse suffirait à lui faire avoir un arrêt cardiaque à elle seule. Contenant le tremblement de ses doigts, il attrape la cigarette et observe le bout incandescent qui brille et crépite. Il hésite une seconde puis la porte à sa bouche en gardant le contact visuel avec le blond, comme si cela lui assurait que tout se passera bien. Il compte jusqu'à trois dans sa tête avant d'inspirer vivement, de garder la fumée dans ses poumons un temps qui lui paraît durer une éternité puis de recracher en toussant, les yeux plein de larmes et la tête lui tournant tellement qu'il est obligé de se tenir au châssis. La sensation est surprenante et grisante : d'abord les chatouilles dans la gorge, puis les poumons qui s'affolent et enfin une impression de planer étrange, comme s'il était un peu ivre. D'un geste approximatif, il tend la clope à Max tout en tachant de paraître moins affecté qu'il ne l'est réellement. Les étoiles qu'il voit sont à la fois celles fluorescentes de son plafond mais aussi celle de cette première rencontre avec une future addiction. A nouveau, il cille, non pas de surprise cette fois mais pour chasser les larmes accumulées près de ses cils. Felix veut voir parfaitement net pour observer Max fumer à son tour. Dans son ventre, l'excitation provoque des raz-de-marée. Fumer dans le dos de son père alors que ce dernier le lui a toujours interdit à quelque chose de jouissif. Par procuration - et bêtement - Felix se venge d'avoir été puni. C'est bien un sourire de sale gosse qui s'affiche sur ses lèvres, directement inspiré par l'aura électrique qui émane de Max en cet instant.

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Félix ne se défile pas. C'est comme si l'organisme de Max se mettait en pause, vivait un slow motion alors que son camarade tire une latte sans montrer qu'elle lui pique les poumons. Il admire la scène, plus proche de la fenêtre que lui, plante ses yeux sur ses doigts, puis ses lèvres qui renferment une fumée qu'il garde pour prouver qu'il ne fait pas que crapoter. Le souffle coupé, le coeur battant à vive allure alors que le reste continue de se mouvoir dans une lenteur rassurante, ce n'est qu'au moment où Félix lui rend la cigarette que Max retrouve ses fonctions. Il l'attrape, se concentre sur le bâton de nicotine, tire une première latte qui se passe plutôt bien. Sûr de lui, le plus vieux fait le fier et tire une seconde fois mais il est tellement concentré sur le visage de Coalman que la fumée passe de travers et le fait tousser. Sa main se pose contre sa bouche alors qu'une toux chargée quitte sa bouche. Instinctivement et dans un rire délicat, Max se penche sur la fenêtre pour retrouver l'air frais de dehors. D'ici, en t shirt, il y a un frisson qui le traverse. Sa peau blanche a la chair de poule mais il l'oublie dés l'instant où la mère de Félix les appelle pour le repas.

Merde ! Elle va forcément sentir la fumée. Max brasse l'air de sa main sans grande conviction et écrase délicatement la cigarette sur le rebord de la fenêtre en posant le mégot sur le bureau de Félix, derrière un pot de crayons qui empêchera sa mère de le voir si elle rentre dans la pièce. L'adolescent ne stresse pas tellement, en soi, mais il est tout de même inquiet pour le gamin qu'il vient d'entraîner dans sa bêtise. Si elle sent quelque chose, on aura qu'à dire que c'est moi qui fume. Tant pis s'il se fait réprimander parce qu'il fume dans la chambre de quelqu'un qu'il ne connaît pas et qu'il passe pour un adolescent irrespectueux. Max ose espérer qu'il saura rattraper le coup avec ses grands yeux bleus plus brillants encore que le plafond étoilé de Félix. A New York, le ciel montre rarement de beaux points de vue, la pollution prend toute la place au dessus de leur tête, il n'y a pas de place pour les rêves ici bas. Tout n'est que goudron, rapidité et ignorance. Dans son marcel blanc tacheté d'une perle de chocolat à présent, Max tente de gratter la trace de cookie mais laisse rapidement tomber. Ses parents ne s'offusquent généralement pas de ses vêtements toujours sales. Ils ont l'habitude de le voir traîner dans tous les recoins de la ville et revenir à la maison tel un chien errant.

Max laisse passer Félix devant, le suit jusque dans la cuisine où sa mère les attend avec un grand sourire. Il sent immédiatement l'attachement puissant entre celle-ci et son fils. Question de logique mais bizarrement, il le trouve plus fort que la normale. Lui et sa mère s'aiment mais n'ont pas ce regard l'un envers l'autre, ni même cette complicité que son camarade tente de dissimuler par fierté peut-être. A table, l'adolescent dans toute sa grande stature mange avec appétit. Chez lui, avec son père, on les appelle les poubelles et tout le monde leur refile les restes à la fin du repas. Son regard cherche celui de madame Coalman qui le fixe déjà comme s'il était un être merveilleux venu d'une autre civilisation. C'est délicieux. Ce à quoi elle l'incite à se resservir. Conventionnel auprès de celle-ci, Max se hasarde finalement à lui demander ce qu'elle fait dans la vie mais aussi le travail de son mari. L'adolescent adresse un regard en direction de Félix comme pour s'assurer que tout va bien, qu'il ne prend pas trop de place, qu'il a toujours le droit de se taire si ses questions le gênent. C'est étrange pour lui, ce besoin de communiquer, cette facilité de le faire sans les mots. Dés qu'ils se mettent à parler, c'est là qu'ils se comprennent le moins.

A ce jeu là, Max est bien plus doué que lui. Encore un peu étourdi, Felix observe et admire la désinvolture avec laquelle Graham tire à nouveau sur la clope. Son sourire s'élargit lorsque le blond se met à tousser lui aussi. Il imagine les crépitements dans sa gorge et se marre avec lui en se penchant à la fenêtre à son tour pour regarder la fumée s'envoler en direction des nuages rendus gris étincelant par la lumière de la lune. Parfois, lorsqu'il attend morphée, allongé sur son lit, son regard se tourne vers le ciel comme c'est le cas à présent et Felix s'imagine différentes vies, pense à son avenir sans trop savoir à quoi il ressemblera. Ici, il se voit plus vieux, habillé d'un costume élégant, peut-être diplômé de Harvard ou de Columbia, fumant une cigarette en compagnie d'un Max plus âgé lui aussi. Le blond aurait de la barbe et un tour de bras égal à son tour de cuisse. Peut-être qu'il serait devenu boxeur avec le temps, lui que tout le monde connait pour ses bagarres à la sortie du lycée. Ce serait l'hiver et la vapur s'échappant de leur bouche se mélangerait à la fumée expirée par leurs poumons. Dans cette vision, ils seraient devenus amis ou quelque chose comme ça et poufferaient ensemble, assis sur les marches d'un perron, à l'évocation du souvenir de leur première clope. " Les garçons, à table ! " Horreur. Felix sort de sa rêverie et imite les mouvements de son complice pour chasser les résidus de fumée de la chambre. Il espère ne pas en arriver à la solution que lui propose le plus vieux pour faire taire les soupçons de sa mère. Mi inquiet, mi fier de cette nouvelle expérience, il passe le premier et devine, dès l'ouverture de la porte, que leurs craintes n'ont pas lieu d'être. L'odeur de la sauce bolognaise est si forte qu'elle embaume toute la maison et fait gronder son ventre au moment de se mettre à table.

Le trouble et la contrariété laissent place à la satisfaction de s'en mettre plein la panse. Avec son appétit d'oiseau, Felix est vite rassasié mais il se ressert quand même - par pure gourmandise - et laisse à nouveau sa mère passer machinalement la main dans ses cheveux tandis que Max et elle font plus ample connaissances. Lorsque le sujet dévie sur le job de ses parents, Felix lève le nez de son assiette comme pour défier Graham de se moquer de la réponse. A Miami, avant qu'elle ne fasse parler d'elle, personne ne croyait en la star up familiale. Tout le monde pensait que ce couple d'anglais débarqués quinze ans auparavant aux USA pour vivre le rêve américain n'était que des urluberlus bidouillant des trucs bizarres dans leur garage. Aujourd'hui, l'entreprise de son père est une valeur montante dans son domaine, Felix l'a même entendu dire à sa mère qu'il envisageait de se trouver des bureaux plus grands et d'engager du personnel pour qu'ils n'aient plus à tout gérer seuls. Comme à son habitude, sa mère s'exprime avec des mots simples et pédagogues, rendant compréhensible la complexité de ce que son épou et elle proposent comme services et mettant également en lumière le fait que cela leur prend tout leur temps.

" - Ca me fait plaisir que Felix se fasse des amis comme toi, Maxym. " Felix détourne le regard. Elle est tellement contente que Graham apprécie son plat qu'il ne se sent pas le coeur de lui dire qu'ils ne sont pas vraiment amis et que la présence du blond ce soir est un concours de circonstances fait de chimie, de lait fraise, de piscine et de basket ball. Elle serait scandalisée de savoir que le responsable du bleu sur le visage de son trésor est le meilleur ami de celui qu'elle s'applique à resservir avec adoration. " Si j'ai bien compris vous avez un contrôle à préparer. Je viens de faire un tiramisu. Si tu passes réviser demain soir, tu pourras le goûter. " Il croit rêver. Est-ce que sa mère essaye d'apater Max avec la nourriture italienne et ses sourires éblouissants ? Pour ça, on ne peut pas se tromper, elle et Felix ont les mêmes gènes : lorsqu'ils sourient sur les photos, on ne voit qu'eux. Tout en jetant un nouveau coup d'oeil en direction de Max, le chaton hausse les épaules. Là non plus il n'a pas le courage de dire qu'ils n'ont pas vraiment révisé ce soir. Il se dit que remettre ça demain serait judicieux pour rattraper ce qu'ils n'ont pas appris tout à l'heure à cause de son humeur à fleur de peau mais préfère attendre de sortir de table pour en parler avec Maxym sans être épiés.

Lorsqu'ils retournent dans la chambre pour récupérer veste et cahiers, Felix prend soin de fermer convenablement la porte derrière lui. Faut pas te sentir obligé de revenir pour elle, qu'il balance sans aggressivité, plutôt comme s'il cherchait à s'excuser d'avoir une mère aussi pot de colle. Il se doute bien que Max à mieux à faire que de revenir, c'est pourquoi il avance jusqu'à son bureau pour récupérer son cahier de chimie qu'il tend au blond comme il lui a tendu la cigarette tout à l'heure. Je te le donne, je peux m'en passer. Cadeau du siècle qui n'en a pas l'air mais Felix n'a jamais partagé ses notes avec personne tout comme il garde pour lui que Maxym a encore un peu de sauce tomate au coin des lèvres et que ce détail le fait dériver une fois de plus dans ce monde imaginaire où lécher le surplus pour l'en débarasser ne serait pas quelque chose d'extrêmement inapproprié. Le temps a passé si vite en sa compagnie qu'il déplore que l'heure soit déjà venue de se dire au revoir. Même s'il ne parle pas beaucoup, Felix vit les choses intensément. Il sait que son cerveau plein des souvenirs de cette soirée continuera à bouillonner pendant encore plusieurs heures avant de trouver le sommeil. Pour l'instant, le chaton se contente de raccompagner l'ours jusqu'au garage où l'heure du départ lui donne le coeur lourd. Le coeur, cet organe bizarre qui crie à l'agonie d'être si violemment secoué par la présence de Graham mais qui s'affole à l'idée de le voir partir.

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De qui Félix peut-il tenir son si mauvais caractère ? Il a la sensation que sa mère a cette fibre chaleureuse mais qu'elle est totalement absente lorsqu'il s'agit de sa progéniture. Plus silencieux, il écoute attentivement les mots de madame Coalman, l'aide à débarrasser la table alors qu'il ne le fait jamais chez lui et grimpe dans l'ombre du chat jusqu'à sa chambre. Les paroles du plus jeune sont catégoriques. Max a la sensation que tout ce qu'il dira sera mal pris ou déformé, ce doit être pour ça qu'il hausse les épaules lorsque Félix lui fait comprendre que ce n'est pas la peine de revenir. D'accord, pourquoi pas ... Et puis il était le premier à râler pour ces cours supplémentaires. Comme s'ils bossaient pas déjà assez à l'école. Pas contrarié par cette décision, le blond se saisit du cahier, se doute bien qu'il a de la valeur aux yeux de Félix et lui fait promettre de faire attention. Sa voix est douce lorsqu'il prononce ces mots, comme s'il enfermait le chat dans une pelote de laine confortable. Merci, je vais faire gaffe. En l'enfonçant dans son sac, au milieu de ses cahier mal rangés et de son classeur d'histoire. Une fois veste et sac sur le dos, Max le suit jusque dans le garage. L'heure de partir sonne à leur porte. Dans la fraîcheur de la nuit, il enlève la cale de son vélo, grimpe dessus tout en lui lançant un dernier regard. Bon bah, à demain. Avant de se retourner et disparaître comme une fusée. Sur le chemin, forcément qu'il pense à son camarade, qu'il se pose des questions et qu'elles se multiplient comme les molécules d'un virus.
Félix est en train de métastaser dans son organisme. Quelque chose lui dit que le remède sera compliqué à trouver.

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Mardi matin.
Maxym absent dans les couloirs de l'école. Sa table reste vide, que ce soit en langue, en chimie ou même en maths. Disparu, volatilisé, Donald n'en parle à personne, hausse les épaules en disant qu'il en sait rien, qu'il doit être malade. Les professeurs l'interrogent mais toujours pas de blond à l'horizon.
Tant pis, ça arrive souvent.

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23:45
L'heure exacte à laquelle il a quitté la maison d'un pas félin pour que personne ne l'entende. Fuguer, ce n'est pas la première fois que cela lui arrive. Dans la famille Graham c'est même un don de se faire la belle sans que personne ne le remarque. Surtout pour Meg, la plus vieille des trois. Max est pas du genre à partir souvent mais il est avant tout descendu pour regarder le ciel, profiter du calme de la nuit. Il n'a rien prémédité en enfourchant son vélo. Une seconde il pense à la lune et celle d'après, il part en direction de chez Félix. Pas difficile de se souvenir des rues à prendre, le chemin est déjà ancré dans sa tête, c'est instinctif, comme s'il y était allé toute sa vie.

Cela fait plus de dix minutes qu'il pédale. Derrière lui la maison s'éloigne alors que ce mardi soir bascule dans l'inconnu. Ses nerfs lâchent, ou alors autre chose, de plus profond, comme un sixième sens, une petite voix dans sa tête qui lui d'aller là-bas et pas ailleurs. Dans un film, le gars dans son rôle serait certainement bourré et se rendrait compte qu'il aime une fille ; il irait l'emmerder au baut milieu de la nuit. Mais lorsque Max arrive dans l'allée de chez Félix, il n'a rien de homme saoul et fou amoureux, il a tout de l'adolescent paumé et impulsif qui se barre quand ça ne va pas. Minuit une à sa montre, le vélo tombe sur la pelouse, rien à faire des cales et des chaînes.

Sous la lueur bienveillante de la lune, quelques mètres plus bas que la fenêtre de Félix, les yeux figés vers ses rideaux tirés, il l'imagine dormir dans cette couette qu'il caressait la veille. Max est drapé de son courage lorsqu'il attrape un gravier et qu'il le balance à sa fenêtre. L'adolescent en jette un second jusqu'à ce que la lumière s'allume dans sa chambre. La lueur est faible, ce doit être sa lampe de chevet. Son coeur se crispe en apercevant sa silhouette derrière le tissu couvrant sa fenêtre mais il ne prendra pas la fuite. Se tirer alors qu'il est déjà en fugue, ça n'a pas de sens. Lorsque le visage du plus jeune apparaît, les nerfs de Maxym lui obéissent encore même s'il se met à trembler. Une véritable onde de choc de le voir, là, perché au dessus de lui. C'est Max. Il chuchote avec cette envie de hurler au fond des tripes. Descends ! Je t'attends là, je bouge pas. Pas d'explications, pas une demande, un ordre. Il a pas fait le chemin de toute la ville en pleine nuit pour se prendre un râteau en retour alors il exige.

Lorsque le réveil sonne, Felix est dans le brouillard. Il a trop peu dormi cette nuit, tiraillé entre ses pensées et ses rêves incontrolables. Lui qui a l'habitude de dormir sur le ventre s'est senti tellement gêné d'avoir à dormir sur le dos. Pourtant, il a bien essayé de ne pas penser à ce qui se serait passé s'il avait dit à Max pour la sauce bolognaise au coin de sa bouche, mais son esprit n'en a encore une fois fait qu'à sa tête. Arrivé au lycée, il se surprend à attendre le cours de chimie avec impatience et déchante complètement en constatant l'absence du blond. Chaise vide, paillasse pour lui tout seul, pas de binome aujourd'hui. Est-ce qu'il est malade comme le prétend Donald lorsque la prof l'interroge ? Max avait pourtant bien fermé sa veste avant de partir ... Surpris, Felix secoue la tête en signe d'ignorance lorsqu'on lui demande s'il sait quelque chose. Apparemment, Perry s'imagine que Coalman en connait désormais autant sur Maxym que le rouquin. Ca le ferait presque rougir, c'est pourquoi il se contente de détourner le regard et de rester silencieux durant tout le cours, écoutant avec attention mais affichant une moue boudeuse. Ce sentiment qu'il ne comprend pas s'appelle la frustration. Maxym lui manque, qui l'eut cru ?

Le soir, Felix réalise qu'il avait secrétement nourrit l'espoir de manger du Tiramisu avec le blond, ce qui lui coupe l'appétit. Renfermé sur lui-même, il laisse sa part dans le frigo et monte se coucher sans dire bonne nuit à personne. Aux alentours de 22 heures, sa mère frappe discrètement à la porte de sa chambre pour venir aux nouvelles. Elle fait ça bien car elle connait l'animal et sait comment l'amadouer. Un lait fraise entre les mains, assis dans son lit et déjà en pyjama, Felix en a si lourd sur le coeur qu'il ne trouve pas la force de lui mentir. S'il ne trouve pas les mots pour expliquer ce qu'il ressent, son attitude parle à sa place : le visage niché dans le cou de sa mère, il retient les larmes que ses tourments menacent de faire couler d'un instant à l'autre. Sensible, le chaton commence à fatiguer d'être constamment à fleur de peau. Il a l'impression que la soirée au diner remonte à des siècles et voudrait bien faire un câlin à Maurice. Il tente de mettre sa tristesse évidente sur le dos de la petite boule de poils en vendant la mèche de son existence auprès de sa mère. Cette dernière sait qu'il ment sur la nature de ses tracas et se doute bien qu'il y a un rapport avec Graham mais ne laisse rien paraître. A la place, elle lui promet de parler à son père pour que le chat puisse élire domicile dans le jardin. Un peu consolé, Felix s'endort en serrant son oreiller contre lui. Il se sent vide et creux, comme si cette journée n'avait servi à rien, qu'elle était sans saveur.

La bouteille ralentit puis s'arrête en le désignant dans ce même silence interrogatif que les autres laissent planer au-dessus de la scène. Felix se lève, sait que le moindre de ses faits et gestes aura des conséquences notables. Il réfléchit moins longtemps qu'il ne le devrait et marche d'un pas déterminé en direction de Max. Lorsqu'il se laisse tomber à genoux, ce n'est pas en face de Donald mais bien devant le blond sur lequel il se penche en passant une main derrière sa nuque, paniqué à l'idée de se laisser l'occasion de reculer s'il n'y va pas franco où de voir Max esquiver son approche.

Un bruit de verre l'extirpe de son sommeil agité. Emmêlé dans la couette, le chaton sort les griffes et s'énerve pour s'en défaire. Est-ce qu'il a rêvé ce bruit comme il a rêvé la chaleur du souffre de Graham mêlé au sien ? Non, ça recommence. Felix allume la lampe, met en lumière sa coupe de cheveux désordonnée et la tarce d'oreiller sur sa joue. Lorsqu'il écarte le rideau, son coeur s'arrête de battre. C'est lui ! Discrètement, il se pince pour être certain de bien être réveillé. Entre ses pensées et ses rêves, tous hantés par celui qui lui ordonne de descendre, Felix commence à ne plus savoir où commence le fantasme et où finit la réalité. Encore un peu perdu dans les images oniriques de ce début de journée - Minuit une ! Qu'est ce qui peut bien pousser Graham à se montrer à cette heure ? - il envisage d'emprunter le couloir pour se rendre au rez de chaussée mais se dit que son père pourrait très bien ne pas encore dormir et l'entendre depuis son bureau. C'est pourquoi il opte pour la même sortie que celle utilisée le soir de la boum : la fenêtre. Après avoir enfilé un t-shirt par dessus son short de nuit, Felix s'extirpe de sa chambre et marche le long de la goutière jusqu'à atteindre une poutre qui lui permet de descendre rejoindre le blond.

Ce n'est qu'en posant le pied à Terre qu'il réalise l'état dans lequel il se trouve : encore fébrile de son rêve et soulagé de voir Max. Felix ne réfléchit pas lorsqu'il trotine jusqu'à lui à la manière de Maurice accueillant un visiteur ; il aimerait bien se frotter au blond pour mettre un peu de son odeur sur lui mais se retient tant bien que mal, persuadé que ce genre d'attitude lui vaudrait un autre coup de poing, alors que le premier vient à peine de disparaître. A la place, il lui accorde un sourir tremblotant dans lequel se mélangent la joie, le soulagement et la peur. Peur de ce qu'il peut bien avoir de si urgent à lui dire pour venir le réveiller au beau milieu de la nuit. Tout le monde croit que t'es malade ... Félix pourrait faire plus d'efforts pour cacher son trouble mais il n'en a pas la force. L'envolée de papillons qui chatouillent son ventre rend toute tentative de dissimulation impossible. Debout à un mètre de Max, il attend que le blond parle, qu'il lui dise n'importe quoi mais qu'il mette fin à cette tension insoutenable. Une seconde de plus à se regarder comme ça et Felix commencera à fondre comme une guimauve qu'on passe sur une flamme, il en est persuadé.

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C'est presque déraisonné, ce soulagement de le revoir, de le savoir si proche. Maxym le regarde descendre avec agilité de sa fenêtre, longer la gouttière et tout ce qu'il se dit c'est que Félix est habitué à ce genre de manoeuvre. Le blond lève les yeux sur sa silhouette qui termine par le rejoindre d'un pas pressé. Le coeur battant, de la tristesse au fond des yeux, il se sent déjà mieux de le revoir, de le sentir à quelques centimètres de lui même si sa voix le ramène sur terre.
T'étais où Max ?
Tout le monde se doute que t'es pas malade. Tu fais le coup à chaque fois.
Il inspire, enlève son sac de ses épaules pour en sortir le cahier que le chat lui a confié la veille. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres parce qu'il est fier de ce qu'il vient d'accomplir, soulagé de le lui rendre alors qu'il lui avait donné à contre coeur. Tiens, j'ai tout recopié. Ca lui a pris un moment mais il a l'a fait, une musique en fond dans sa chambre pour masquer le bruit ambiant de la maison. Surtout les cris de son père et les hystéries de sa mère. S'il est pas allé à l'école, c'est qu'il devait gérer les crises de la maison. Les Graham sont connus pour leurs débordements et au jeu du médiateur, Max est de loin le meilleur. Se battre à l'école l'aide à déverser une colère qu'il ne peut pas vomir à la maison. Ses coups de poings sont ses silences. Ses insultes sont les mauvaises énergies que sa famille lui donne sans chercher à savoir s'il finira par déborder ou non.

Enthousiaste, peut-être trop, Max se dirige vers l'entrée pour y poser le cahier, revenir sur ses pas, attraper le bras de Félix pour l'emmener avec lui un peu plus loin dans le jardin et parler sans risquer de réveiller ses parents. Il se verrait bien pouvoir rester là pour la nuit, même si c'est dans le garage, c'est pas grave. Ou alors dans la chambre de Félix, partir au petit matin, avant même que la ville ne se réveille, couvert par la nuit, accompagné par la lune qui ne répétera jamais rien à personne. Muette comme une parte, douce comme du coton, agréable comme un jour d'été durant les grandes vacances, l'obscurité ne leur dira jamais rien, se fiche bien de les savoir écorchés, secrètement amis, un peu trop seuls. Elle les laisse, s'asseoir sur le bord du trottoir. Sous les chaussures de Max, la route encore chaude de la journée et des voitures qu'elle a supporté, son regard se plante sur ses lacets. Vous avez fait quoi aujourd'hui ? A l'école, en chimie, à la cantine, dans les autres matières mais aussi dans la cours, dans les couloirs, dans les toilettes. Sa tête se tourne vers Félix à ses côtés.

A partir de quel moment est-il raisonnable de dire à quelqu'un qu'il nous a manqué ?
Faut-il attendre des jours, des semaines, des mois ? Est-ce que des heures suffisent ? Et des minutes, on en parle des minutes ? Il était pas encore rentré chez lui qu'il pensait déjà à Félix, qu'il se l'imaginait allongé dans son lit, en boxer, sous sa couette, au milieu de ses posters de leurs cours.
Alors ?
Max inspire, non, il ne dira rien, gardera pour lui ce que sa tête lui dicte, ce que son âme réclame, ce que son coeur désire. J'suis content de te revoir. Désolé pour aujourd'hui. A nouveau, ses yeux dégringolent sur ses pieds, ses baskets blanches devenues grises et déchirées par endroit. Même son t shirt lui paraît trop petit sous sa veste, à moins que ce ne soit lui qui soit trop gros. Et si Félix le trouve moche ? mais non peu importe, qu'est-ce que ça peut bien changer. C'est pas comme si le chat avait fier allure dans son short et son t shirt, sans compter ses cheveux en pétard. Max est comme d'habitude, on sent juste qu'il est plus soulagé depuis qu'il est là, comme s'il fuyait quelque chose, comme s'il cherchait du réconfort là où il n'existe pas.

Impressionné, Felix observe le cahier dont la couverture brille au clair de lune. Ses sourcils se haussent de surprise car il ne le pensait pas capable d'abattre une telle charge de travail en seulement un jour. Est-ce que c'est pour ça que Max n'est pas venu en cours aujourd'hui ? Pour recopier sa chimie ? Non, ça ne peut pas être l'explication. Il y a quelque chose qui cloche et cela n'a rien à voir avec le lycée mais le chat n'arrive pas à mettre le doigt dessus car il est trop transporté par sa présence à ses côtés pour avoir les idées claires. Dingue comme seulement un jour d'absence non anticipée suffit à décupler les sentiments. Où es-tu ? Avec qui ? Tu fais quoi ? Tout va bien ? Est-ce que tu penses à moi en ce moment ? Toutes ces questions qu'il s'est posé intérieurement sans vouloir se l'avouer ... Hier, Felix était encore un peu fâché contre le blond d'être du côté de Donald mais, cette nuit, c'est comme si quelqu'un venait d'ouvrir une fenêtre pour laisser respirer son âme agonisante de ne pas l'avoir vu de la journée. Même si cette sensation transforme ses jambes en côton et lui donne l'impression d'avoir quelque chose de coincé dans la gorge, le réconfort qu'apporte la visite de Max bat tous les laits fraise du monde.

C'est pour ça qu'il accepte de se laisser traîner un peu plus loin dans le jardin. A pieds nus, le chat apprécie le contact de l'herbe contre ses orteils et protège ses coussinets en évitant de les poser sur le trottoir. A la place, il s'assied en tailleur et observe son voisin du coin de l'oeil. Max le regarde, lui demande ce qu'ils ont fait aujourd'hui. Felix craint de mal comprendre. Qui ça " vous " ? Personne ne partage le quotidien du chat au lycée, Max en sait quelque chose, ça fait partie des raisons pour lesquels sa bande n'arrête pas de l'enquiquiner. Pourtant, il y a cet aveu qui lui transperce le coeur et lui arrache un sourire plus éblouissant que tous ceux qu'il a feint ces derniers jours pour faire comme si tout allait bien. Son regard suit celui de Max et se pose sur ses baskets usées. Il comprend pourquoi le blond détourne les yeux, lui non plus ne se sentirait pas capable de lui avouer qu'il est heureux de le voir en le regardant bien en face. Il y a tout un monde de silence qui s'installe autour d'eux tandis que les secondes s'étirent en années lumières. Tout ça, c'est le temps qu'il faut à Felix pour prendre son courage à deux mains et se rapprocher. Lorsque leurs coudes se frôlent, le chat pose sa tête sur l'épaule du plus vieux. Sa veste sent la même odeur que celle laissée sur sa couette et qu'il a tellement renifflée avant de s'endormir qu'elle a disparu des fibres du tissu.

Dans un premier temps, Felix reste immobile, comme frappé par la foudre d'avoir osé faire ça. Voyant que Max ne le repousse pas, il se rapproche encore et passe une main dans son dos. Il n'ose pas la laisser dériver jusqu'à sa taille pour le tracter vers lui et profiter de sa chaleur mais trouve quand même la force de répondre à sa question, par on ne sait quel miracle. Lorsqu'il ouvre la bouche, il peine à s'entendre parler car les battements de son coeur en émois vrillent ses tympans. Le frisson qui le secoue n'a rien à voir avec la fraîcheur nocturne ; il fixe le trottoir d'en face à la recherche d'un point de repère auquel se raccrocher maintenant que le champ magnétique de Graham le hape si fort qu'il ne sait plus comment il s'appelle. Perry nous a préparés au contrôle, ça va être facile, tu verras. Mais, en fait, Felix se fout de la chimie pour le moment. Tout ce qui compte, c'est la texture de la veste de Max sous ses doigts et la proximité de son corps à l'aura si réconfortante. Cachant son visage dans les plis de la veste, Felix ajoute à voix basse, sur le ton de la confidence : C'était nul sans toi. Voilà, c'est dit. Maintenant, il remercie la nuit de ternir les couleurs car, sans elle, sûr qu'il se mettrait à briller d'une lueur rouge écarlate tellement ses joues sont chaudes. Pourquoi t'étais pas là ? Ce n'est pas un reproche, plutôt un gémissement, ce genre de question de substitution que l'on pose parce que les mots " J'ai pas arrêté de penser à toi " refusent de s'articuler convenablement. Il ne reste que les gestes pour parler. Comme inspirer profondément pour ne pas se dégonfler et relever le regard à la recherche du sien. D'aussi prêt, Graham est tellement beau qu'il lui fait mal aux yeux. Malgré tout, Felix sent bien que la tristesse l'accable. C'est ce qui arrive quand deux personnes tristes se parlent : elles se comprennent, sentent chez l'autre le même trouble que chez elles. Alors ses doigts décident que se poser sur sa taille ne serait pas du luxe, finalement. Au moins pour qu'il se sente entouré et soutenu, même s'il ne veut pas dire ce qui le chagrine. Felix connait bien les silences qui en disent long, lui même n'est pas du genre à miauler à tout va.

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D'abord, le blond se demande s'il n'est pas en train de rêver, si quelque chose ne le traverse pas pour le faire halluciner. Mais non, c'est bien le visage de Félix contre lui, sa joue, toute douce, son nez, sa bouche, tout cela lui appartient. Et Max le soutient. C'est étrange, tout comme sa main dans son dos qu'il attendait sans le savoir. Maintenant que le chat le caresse du bout des doigts à travers sa veste, l'adolescent se rend compte qu'il l'espérait, un poids s'évade de son coeur, un soulagement le fait soupirer de satisfaction. Il ferme les yeux parce qu'il sait que dans cette position là, Félix ne saura pas voir combien il aime ce moment, comme il le chérit dans une pudeur délicate. Si Max ne réagit pas de suite, ce doit être parce qu'il préfère savourer le présent, profiter de la tendresse de Félix sans avoir à la lui rendre tout de suite. Parfois, il est de ces instants où accepter la douceur de l'autre est nécessaire. Le coeur encore serré, ce n'est qu'à partir du moment où le chat avoue que c'était nul sans lui que Max se détend légèrement. C'était important pour lui de savoir, d'entendre ces quelques mots qui veulent dire qu'il n'est pas rien, qu'il a lui aussi sa part d'importance, aussi infime soit-elle. Qu'importe que Félix le considère uniquement comme un ami du moment qu'il peut être là, que ses journées sont moins belles sans lui. Lorsqu'il se met à y penser, personne ne lui a jamais prononcé ces mots. Certainement car il est trop vif, trop embêtant, une véritable source de problèmes qui se canalise lorsqu'on lui pose des limites. Son soucis est là : on ne pose rien dans la famille Graham, pas même des fondations. Son éducation est un bateau sur lequel le gamin tanguait maladroitement jusqu'à préférer sauter à l'eau.
Depuis il nage.
Là, il se sent même couler.

Pourquoi t'étais pas là ?
La main de Félix entoure sa taille, juste assez pour le ramener un peu contre lui et Maxym fait de même. Son bras passe dans le dos du chat, méli-mélo de muscles et d'articulations, caresse son corps à travers son t shirt. Là, il sent ses côtes, sa colonne vertébrales, l'entièreté de son squelette. Installés sur le trottoir glacé, il ne se dit pas que son camarade à peut-être froid et qu'il serait préférable de le quitter tout de suite surtout qu'il est pieds nus. Le blond le serre contre lui, passe ses mains dans son dos pour le poser sur lui tout en ouvrant sa veste. Ses gestes sont délicats lorsque leurs torses se rencontrent et qu'à califourchon, les jambes du chat l'encerclent. T'es gelé. Il dit ça tout en ouvrant en grand sa veste pour l'encercler dans le tissu, inciter Coalman à l'entourer de ses bras. Max ne lui dira pas ce qu'il a sur le coeur, assumera encore moins que sa famille est chaleureuse mais aussi complètement à la ramasse. Le visage de la mère de Félix lui rappelle comme elle peut être belle et équilibrée lorsqu'on la compare à la sienne. Installé à leur table, l'adolescent se sentait au final plus apaisé et à sa place que dans sa propre maison.

Ce sera pas facile, tu sais bien que je comprends rien. Il a essayé de comprendre en recopiant toutes les notes de son ami. Max pensait avoir les bases mais maintenant qu'il est là, face à Felix qui connaît tout sur tout, le gamin se sent démuni. Son visage s'éloigne légèrement du sien pour pouvoir le fixer, plonger son regard dans le sien, profiter de la vue que lui offre la nuit. Tu peux rentrer si tu préfères. Demain je reviens en cours, on pourra se voir.Peut-être pas se parler ou s'apprécier comme maintenant mais c'est mieux que rien ... du moins c'est ce que Max se répète alors qu'il referme un peu plus son emprise sur ce corps qui lui semble minuscule. Et puis sentir son coeur battre chaudement sous sa cage thoracique, il n'y a pas meilleur remède après une mauvaise journée. Quel est l'idiot qui a foutu une partie des étoiles dans ce regard là ? Max peut plus s'en décrocher. Aussi grand et fort soit-il, un gamin de quinze ans est en train de le mettre à terre, de le rouler dans la boue. L'adolescent a des envies de lit, de couverture, d'oreiller doux sous sa tête mais aussi de ses bras, de sa chaleur, de sa présence ; sans compter ses étoiles phosphorescentes collées au plafond.
Est-ce que c'est ça, alors, être gay ? Aimer les garçons ?
Est-ce que c'est grave ? Normal ? Triste ?
Est-ce qu'il va en souffrir ?
Maxym sent que la faille est sur le point de s'ouvrir, le tremblement de terre Coalman fait son effet.

Il y a un moment étrange durant lequel le monde semble s'arrêter de tourner. Ce moment précis où le bras de Max lui rend la pareil et vient se placer dans son dos. L'échine électrisée par ce contact, Felix sent tout son corps se contracter avant de se détendre sous les caresses du blond. Ce ne sont pas les mêmes que celles de sa mère, Maxym n'a pas d'ongles longs pour le gratouiller entre les omoplates. Sa main à lui est plus grande et plus chaude, elle le chatouille autant qu'elle le fait vibrer lorsqu'elle appuie contre le tissu. Félix ronronne en silence parce que - quand même ! - ronronner devant un garçon, c'est bizarre ... non ? Il ne dit rien et savoure ce retour inespéré, pas bien conscient de ce qu'il se passe exactement sur ce trottoir avec la lune et la boîte aux lettres rouge des Coalman pour seuls témoins. Ses yeux se ferment pour ne se rouvrir que lorsque le blond le prend sur ses genoux. Fébrile, Felix ne résiste pas, se laisse faire tout en n'étant pas certain que la scène a réellement lieu. Peut-être qu'il va se réveiller trempé de sueur dans son lit pour constater qu'il s'est une fois de plus perdu dans ses fantasmes ? Passant ses bras autours de Max, il le serre plus pour le retenir que pour se réchauffer et profite de ce rêve avant que le réveil ne sonne. Le réveil, pour eux, c'est la réalité qui finira par les rattraper. Demain, dans la cour, il ne sera plus question de se tenir chaud en partageant la même veste. Felix se demande comment il va faire. Il a l'impression que de grandes flèches lumineuses sont braquées sur lui avec le mot " love " clignotant en néon rose au dessus de sa tête. Tout le monde va s'en rendre compte, c'est obligé.

Troublé par la respiration du blond qui soulève son torse et le colle au sien au rythme de ses poumons, Felix garde la joue sur son épaule. Il se dit que s'il le regarde en étant dans cette position, il s'évanouira forcément. C'est déjà une performance de ne pas avoir dégobiller son coeur sur les genoux de Graham en y prenant place. Le palpitant coincé entre les amygdales, il s'entend promettre des choses dont il ne se serait jamais cru capable : " Je t'aiderai. " L'entraide, un concept abstrait pour l'individualiste qu'il est mais Felix est certain que c'est le mot juste pour définir la volonté qu'il ressent de voir Max réussir son interrogation. S'il le faut, il est même prêt à lui révéler les mots qu'il n'a pas osé lui partager la veille dans le tableau des éléments.

Soudain, Max se recule pour le regarder et le chaton à l'impression qu'un projecteur particulièrement puissant se braque sur lui. Scolaire, il se dit que ce n'est pas normal d'avoir un regard aussi profond, que le blond doit avoir une génétique que les autres humains n'ont pas et dont personne ne lui a parlé en cours de sciences. Si c'était possible, alors il dirait que les yeux du plus vieux sont encore plus bleu que l'autre soir, sur les quais. Mais peut-être que c'est la lune qui fait ça. Felix a bien remarqué à quel point Maxym est encore plus beau de près et de nuit. Sa peau blanche fait ressortir tout le reste. Hypnotisé, il ne réalise pas tout de suite qu'il est en train de combler les derniers centimètres qui le séparent de son visage. Ca se passe lentement, sournoisement, de façon à ce qu'il se sente complètement démuni lorsque Graham reprend la parole pour lui dire qu'il peut rentrer s'il préfère. Une ombre de douleur passe sur le visage du chaton à cette idée ; instinctivement, ses griffes se plantent dans le t-shirt du blond. Son cerveau à beau tirer la sonnette d'alarme face à cette trop grande proximité, son corps, lui, n'a semble-t-il pas envie de se séparer. C'est certainement pour cette raison que sa bouche continue à n'en faire qu'à sa tête, articulant le fond de sa pensée sans avoir demandé la permission à la tour de contrôle : " Reste ... ". Un murmure, rien de plus, chuchoté tandis que son torse se plaque à celui de Max et que son visage aussi brûlant que la lave en fusion se cache dans son cou. Felix n'a plus du tout froid ; il pourrait même jurer que ses organes sont en train de fondre. Ca se passe dans le creux de ses reins, là où la chaleur est la plus puissante, mais pas que. Ses poumons, par exemple, sont en train d'asphyxier et son coeur, n'en parlons pas. On dirait qu'il est sursis, pendu aux lèvres et à la décision de Graham. Suffoquant, Felix commence à paniquer. Une refus maintenant serait un échec si cuisant qu'il ne s'en remettrait probablement jamais. Alors, sans trop savoir pourquoi, il dépose un baiser sur la pomme d'Adam de Max, puis un autre et encore un qui se termine en pointe de langue le long de sa gorge. C'est plus fort que lui, il faut qu'il goutte cette peau qui l'obsède depuis la piscine. " ... s'il te plait."